« Voici une autre histoire ayant pour sujet la rivière Timber Creek. Les gens s’installaient à la source de la rivière Timber Creek à l’automne, en septembre, et cette histoire explique ce qu’ils faisaient à l’époque légendaire, autrefois, pour se procurer de la nourriture à la source de la rivière Timber Creek. Les gens qui s’y installaient vers la mi-septembre attendaient les caribous, de grands caribous, qui arrivaient du nord. Ils commençaient à construire des corrals. À la source de la rivière Timber Creek, il y avait une grande montagne haute vers le nord qu’ils appelaient la montagne Curtain. Les caribous descendaient du sommet de la montagne, le long du bord, passant par le milieu de la montagne pour se rendre au terrain plat le long de la rivière Timber Creek. Les contreforts de Timber Creek s’étendaient jusqu’à la rivière Bear Creek, donc les gens savaient que les caribous passaient par là. Les caribous empruntaient toujours ce sentier. Donc les gens construisaient des corrals autour du sentier emprunté par les caribous. Ils construisaient un corral des deux côtés avec des arbres et du bouleau – un corral large, contre la montagne. Le sentier traversait le terrain plat, et ils le rendaient étroit et tendaient des collets à caribou le long de ce corral. Et ils fabriquaient de la corde, de la corde vraiment résistante, avec de la peau de caribou, et ils le tressaient avec cette corde. Ils tendaient plein de collets autour de ce corral, et au bout du corral il y avait une espèce d’ouverture par laquelle les caribous passaient en courant.
Le sentier n’était pas très large, et cette partie était un peu inclinée, et ils prenaient plein de petits arbres, les nettoyaient bien, en taillaient le bout en pointe, puis les enfonçaient en terre, comme des piquets. Ils les taillaient en pointe, en plantaient plein près du corral et les laissaient comme ça. Puis, après avoir terminé tout ce travail dur, ils aménageaient le corral. Ensuite, ils fabriquaient des flèches (en os), et tous les jours quelqu’un guettait les caribous. Et, tout à coup, entre le 10 et le 20 septembre, ils apercevaient des caribous au sommet de cette montagne, de la montagne Curtain.
La nouvelle se répandait, et tout le monde se préparait à se rendre au corral. Plein d’hommes avec des flèches de chaque côté, là où la montagne rejoint le terrain plat et vers le corral. Les hommes se cachaient des deux côtés, formant une ligne, loin les uns des autres. Vers l’après-midi et en soirée, les caribous commençaient à descendre de la montagne. Ils arrivaient au terrain plat. Un grand troupeau de caribous descendait et traversait la rivière Timber Creek jusqu’à la montagne Bear Creek.
Donc, ce grand troupeau de caribous passait par tous ces chasseurs cachés des deux côtés de ce corral. En deçà du corral, ils poursuivaient les caribous pour les faire entrer dans le corral. Ils les tuaient avec leurs flèches (même avec des flèches en os, ils tuaient beaucoup de caribous). Tous les caribous couraient dans ce grand corral et restaient pris dans le collet (à caribou). Les gens posaient les collets et prenaient plein de caribous. Puis, les caribous s’entassaient au bout du corral, là où il s’ouvrait, pour essayer de sortir. Ceux qui réussissaient à sortir descendaient à toute allure et rentraient dans ces bâtons pointus. Après le passage de tous les caribous, il y en avait beaucoup abattus, deux cents ou trois cents. Puis tout le monde en avait assez, la même quantité de caribou et de familles, et tous commençaient à transporter la viande jusqu’au camp, à travailler avec la viande. Tous avaient une part, la même part de viande. Tous commençaient à sécher la viande, à travailler avec la peau de caribou, et tout ce qu’ils préparaient était de la nourriture pour l’hiver, à consommer au cours de l’hiver, jusqu’au printemps suivant. Après avoir terminé tout ce travail dur – ils terminaient tout ce travail dur à la fin de septembre et en octobre – ils montaient un peu, jusqu’à un camp où ils s’attendaient à trouver des caribous. Ils se déplaçaient dans les montagnes, et c’est ainsi qu’ils survivaient à l’hiver froid, à un autre hiver rigoureux, jusqu’au printemps suivant. Cela montrait, et le montre encore aujourd’hui, qu’autrefois les gens devaient faire un effort pour se nourrir.
Parfois, l’été, certains chasseurs passent par là, et ils y trouvent encore des éléments de ce vieux corral, ces arbres, des morceaux d’arbre pourris là où ils ont construit le corral. Cela est arrivé il y a deux cents ou trois cents ans, je crois.
C’est ainsi que les gens vivaient autrefois. C’est un récit que les personnes plus âgées – les vieilles femmes et les vieux hommes – m’ont transmis. »
— Roddy Peters, Aîné teetł’it gwich’in, années 1970